L'OGRELET
de Suzanne Lebeau
Editions Théâtrales Jeunesse / Collection Théâtrales Jeunesse
Pièce jeune public à partir de 8 ans
Projet dessin animé > L’Ogrelet > Dessins Francis Buchet et Guillaume Laigle
L’Ogrelet vit seul avec sa mère dans une maison au cœur d’une forêt dense, en retrait de la communauté villageoise. Le jour où il commence à fréquenter l’école et les autres enfants, il découvre sa différence : il est le fils d’un ogre que sa mère a passionnément aimé. Pour se délivrer de son attirance irrépressible pour le sang frais, il devra affronter trois épreuves dont il sortira grandi.
Un très beau texte de Suzanne Lebeau, et une mise en scène évocatrice célébrant l'émancipation. « Dans l'héritage, on n'est pas obligé de tout prendre ! » remarque Christophe Laparra. Celui de l'ogrelet, mi-ogre mi-humain, n'est pas simple, entre un père défaillant et monstrueux et une mère protectrice et omniprésente.
Christophe Laparra orchestre ici avec humour et pertinence le combat contre « l'ogreté », soit « le désir maladif et irrépressible de dévorer de la chair crue d'enfants ». C'est la rentrée, et ce petit de six ans, qui vit dans une maison perdue au milieu d'une forêt sauvage et hostile, est heureux de découvrir l'école. Il a déjà les jambes d'un homme et son hérédité lui imprime de drôles d'envies… La mise en scène déploie un univers visuel et sonore puissamment évocateur, et débusque les enjeux d'un difficile et tumultueux apprentissage. Au-delà de sa force poétique, la pièce nourrit de fécondes réflexions sur le sens de la liberté et les relations filiales. Une pièce nourrissante à dévorer toute crue !
© Fabienne Rappeneau
© Fabienne Rappeneau
© Fabienne Rappeneau
© Fabienne Rappeneau
Photos > L’Ogrelet > © Fabienne Rappeneau
Suzanne LEBEAU se destine d'abord à une carrière d'actrice. Mais après avoir fondé le Caroussel avec Gervais Gaudreault en 1975, elle délaisse peu à peu l'interprétation pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Aujourd'hui, l'auteure a vingt-cinq pièces originales, trois adaptations et plusieurs traductions à son actif et est reconnue internationalement comme l'un des chefs de file de la dramaturgie pour jeunes publics. Avec plus de cent trente productions répertoriées, elle compte parmi les auteurs québécois les plus joués sur tous les continents.
Ses œuvres sont publiées de par le monde et traduites en seize langues : notamment "Une lune entre deux maisons", la première pièce canadienne écrite spécifiquement pour la petite enfance, L'Ogrelet et "Le bruit des os qui craquent", traduites respectivement en six, neuf et trois langues.
La contribution exceptionnelle de Suzanne Lebeau à l'épanouissement de la dramaturgie pour jeunes publics lui a valu de nombreux prix et distinctions dont :
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Prix littéraire du Gouverneur général 2009, catégorie théâtre.
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Prix des Journées de Lyon des auteurs de théâtre 2007.
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Prix du public du bureau des lecteurs de la Comédie Française 2008.
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Prix Sony-Labou-Tansi des lycéens 2009.
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Prix Collidram 2010 pour "Le bruit des os qui craquent", une pièce créée par le Carrousel et le Théâtre d'Aujourd'hui en 2009 et portée à la scène par la Comédie-Française en 2010.
L’Ogrelet a reçu plusieurs prix et récompenses
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Masque du texte original de l'Académie québécoise du théâtre, 2000.
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Prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public (Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti de Cuers et Inspection académique du Var), 2006.
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Œuvre de référence sélectionnée en 2013 par l’Éducation nationale pour les collégiens (6e).
Dès 1998, l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française lui décerne le grade de chevalier de l'Ordre de la Pléiade pour l'ensemble de son œuvre et, en 2010, le gouvernement du Québec lui remet le prix Athanase-David, la plus prestigieuse récompense de carrière offerte à un écrivain québécois.
Œuvres publiées aux Editions Théâtrales
Chaîne de montage
Contes d'enfants réels
Gretel et Hansel
L'Ogrelet
Le bruit des os qui craquent
Petit Pierre
Petite Fille dans le noir
Salvador (La montagne, l’enfant et la mangue)
Souliers de sable
Théâtre en court 2 (3 pièces à lire, à jouer)
Une lune entre deux maisons
Croquis Scénographie L'Ogrelet
Note d'intention
La scénographie
La scénographie, totalement mobile, est conçue à partir de vieilles caisses en bois montées sur roulettes de différentes tailles, formes et volumes. Certains de ces éléments s'assemblent afin de créer les différents espaces scéniques de la pièce. L'espace scénographique rend la situation géographique, matérielle et psychique dans laquelle vivent L'Ogrelet et sa mère. Il propose également une mise en abyme du théâtre et de la représentation théâtrale par la figuration de coulisses dans l'espace scénique afin d'assumer le recours aux artifices théâtraux utilisés dans le traitement du spectacle. Il y a trois espaces principaux de jeu : l’intérieur de la maison, l’extérieur de la maison et les coulisses à vue.
La lumière
Les lumières rendent perceptible le contraste entre l’intérieur (faible luminosité, éclairage à la chandelle. ambiance d’un foyer, notion d’intimité) et l’extérieur (lumière grise, minérale, compacte) ainsi que le déroulement du temps à travers les saisons et les coulisses du théâtre (ampoules de la porte/miroir, petites lumières de coulisses...).
Le son
La musique électroacoustique recrée le contraste entre l’intérieur (foyer perdu au milieu de la forêt) et l’extérieur (forêt sauvage et hostile avec le son du vent qui souffle, le cri des animaux et des coups de feu) ainsi que le déroulement du temps à travers les saisons. Un micro dans les coulisses permet aux comédiens de produire des sons en direct. Des boucles sonores composées de nappes musicales, de phrases harmoniques et de sons « réalistes » (sonnerie d’école, rire d’enfants, ruisseau) accompagnent le récit. Les lettres du père/ogre et de la maîtresse d’école sont traitées en voix-off.
Le masque
Afin de mettre en évidence le véritable enjeu qui se joue pour L’Ogrelet au travers de l’épreuve du Loup, la louve est jouée par l‘actrice qui joue la mère. A la vue des spectateurs, elle revêt simplement un masque entier représentant la tête d’une louve aux yeux jaunes.
La vidéo
Des intertitres entre les scènes indiquent l’enjeu principal de la scène à venir. Tel les chapitres d’un livre de contes. Différents dessins animés en noir et blanc, sonores mais non parlants, donnent à voir, le déroulement du temps, les saisons, ce qu’il se passe en dehors de la maison quand L’Ogrelet sort pour aller à l’école, quand il se sauve, etc. Sommes-nous dans le rêve ou le fantasme de l’enfant ?
Les costumes
Tout comme la scénographie, les costumes naïfs et réalistes à la fois rejoignent l’univers visuel des dessins animés du spectacle et rendent l’imaginaire poétique des contes. Il y a deux costumes principaux par personnage qui montrent leur évolution psychique au cours de l’histoire.
Christophe Laparra
Patricia VARNAY > La mère
Après une formation de comédienne au Studio 34 à Paris elle entre au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris de 1984 à 1987, dans les classes de Michel BOUQUET, Claude REGY, Gérard DESARTHE, Mario GONZALES
Elle joue au théâtre avec différents metteurs en scène depuis 1983 (Jacques Bachelier, Roger Cornillac, Philippe Ferran, Stéphane Fievet, Alain Françon, Jacques Hadjaje, Christophe Laparra, Patrick Pelloquet, Eric Vigner…), dans un répertoire aussi bien classique que contemporain qui l’a amené dans de nombreux théâtres en France et à l’étranger.
En tant que comédienne, elle tourne pour le cinéma et la télévision sous la direction de Charles Némes, Emmanuelle Cuau, Francis Girod…
Durée du spectacle > 1h05
Création avril 2017
Mise en scène / Scénographie / Lumière
Christophe LAPARRA
Distribution
Christophe LAPARRA > L’Ogrelet
Patricia VARNAY > La Mère
Direction d'acteur/Regard extérieur/Dramaturgie
Marie BALLET
Masques
Loïc NEBREDA
Marionnettes
Sébastien PUECH
Création sonore et musicale
Jean-Kristoff CAMPS
Costumes
Dulcie BEST
Dessin animé
Francis BUCHET
Guillaume LAIGLE
Matthieu FAYETTE
Voix off et silhouettes dessin animé
Marion AMIAUD > La Maîtresse d'école
Éric CHALLIER > Le Père de L’Ogrelet
Instrumentistes
Bertrand DENZLER
Daunik LAZRO
Deborah WALKER
Perruque
Micki Chomicki
Régie générale
Elodie GÉRARD
Conception régie vidéo
Éric JULOU
Construction décor
Antoine MILIAN et Vincent LEGER
Atelier Construction Théâtre de L'Aquarium / Paris
Atelier Construction Théâtre Eurydice-Esat / Plaisir
Et les voix de
Marie BALLET, Jean-Christophe CAMPS, Élodie GÉRARD, Lucie JOLIOT, Éric JULOU, Aglaé LAPARRA et Philémon LAPARRA
Dessin Francis Buchet
Production > Théâtre de Paille
Coproduction > Comédie de Picardie – scène conventionnée / Amiens
Subventions > Drac des Hauts de France, Conseil Régional des Hauts de France, Conseil Départemental de L'Oise
Soutiens/Accueils en résidence > Théâtre de L'Aquarium / Paris, Théâtre Eurydice Esat / Plaisir, Studio-Théâtre de Charenton / Charenton le Pont
La presse en parle
T T - La mise en scène et la scénographie (caisses en bois mobiles) de Christophe Laparra mettent en lumière, non sans humour, toute la profondeur de ce récit d'apprentissage.
Françoise Sabatier-Morel – Télérama Sortir
Les deux acteurs font résonner à merveille la belle prose poétique de Suzanne Lebeau. Un voyage dans l’enfance et les lointains des peurs fondatrices.
Véronique Hotte – Théâtre du blog / Hotello
Christophe Laparra s’empare avec maestria du très beau conte, « L’Ogrelet ». La sublime écriture de Suzanne Lebeau est ici magnifiée par le talent d’interprétation des deux comédiens. Une belle réussite à découvrir en famille !
Audrey Jean - Théâtres.com
Christophe Laparra présente au Collège de la salle sa belle mise en scène de L’Ogrelet. Pour accueillir, cette fable, Christophe Laparra imagine un élégant univers composite. Dans un écrin entièrement fait de caisses en bois, un écran projette régulièrement un dessin animé, tandis que les comédiens changent de costumes à vue et manipulent masques et marionnettes. Cet Ogrelet a su prendre la bonne part de l’héritage, tout en s’inscrivant dans l’immédiat.
Anaïs Heluin – La Terrasse
Un spectacle jeune public réussi. En témoigne la salle suspendue aux lèvres des comédiens. Certains enfants ont même tellement cru au spectacle qu'ils ont vu du sang là où il n'y en avait pas. Un spectacle plein de tendresse tout à fait adapté au besoin de merveilleux des enfants tout en leur faisant entrevoir la réalité du monde.
Pierre François – France Catholique
Avant-propos
Plus de six ans après avoir mis en scène Le Petit Poucet de Caroline Baratoux, je reviens au thème de „l’ogreté“* avec la pièce de Suzanne Lebeau, L’Ogrelet. Entre-temps, mon regard s’est déplacé. En effet, d‘une pièce qui contait la découverte par un enfant, Le Petit Poucet, de la violence du monde des adultes à travers l’égoisme de ses parents, la cruauté de son père et la monstruosité de l‘Ogre, je passe à une pièce qui traite de l’apprentissage d‘un enfant qui, découvrant ses origines d’ogre héritées de son père, va chercher, en passant trois épreuves, à dépasser sa propre nature monstrueuse afin de devenir humain, se libérer de cette filiation et prendre de la distance avec sa mère trop protectrice.
L’Ogrelet. de Suzanne Lebeau puise sa matière dramaturgique des contes et plus spécifiquement de celui du Petit Poucet. L’action se situe dans des endroits propres aux contes en général : une maison isolée au milieu des bois avec des animaux sauvages tout autour. Ce lieu, par la frontière qu’il instaure entre le dedans et le dehors, sert à disséquer les rapports parents/enfants depuis l’intérieur du foyer et à pointer le rôle fondamental de l’extérieur comme espace de réalisation de tous les possibles pour l‘enfant.
Le texte met en lumière la dangerosité des désirs non canalisés : les siens, ceux de ses parents et de tous en général.
Il rappelle combien les meilleures intentions, comme celle de la protection maternelle, peuvent se révéler castratrices et destructrices lorsqu’elles proviennent de pulsions névrotiques inconscientes de la part de la personne qui les dispense.
Il traite de la notion fondamentale d‘émancipation de l’enfant qui passe par une nécessaire transcendance de soi et des siens. Il apprend, à travers le douloureux apprentissage d’un enfant, qui devra passer et réussir plusieurs épreuves, qu‘il faut reconnaitre ses origines, les accepter et les dépasser afin d’acquérir sa propre liberté.
Il aborde, par le biais de la fable, toutes les complexités de l’être humain à travers ces différentes fonctions sociales (mère, père, fils, etc…) et en analyse les conséquences sur soi et sur autrui.
Il montre un père défaillant, monstrueux et une femme/une mère humaine amoureuse d’un ogre et incapable de s’opposer à lui et qui laisse le père/ogre dévorer leurs propres enfants. On assiste aussi à une inversion de l’ordre des choses dans l’éducation puisque, au final, c’est le fils qui, par sa maturité précoce, éduque et fait grandir ses parents.
Pour conclure cet avant-propos sur ce texte, dont le dénouement mène le héros à la résilience, je citerai la phrase qu’une amie s’est entendue dire un jour par une psychologue et qu’elle a fait sienne depuis, comme une sorte de mantra : „Dans l’héritage, on est pas obligé de tout prendre !“.
Christophe Laparra
Ogreté : mot inventé par Suzanne Lebeau dans sa pièce L’Ogrelet pour définir la pulsion névrotique des ogres. Soit le désir maladif et irrépressible de dévorer de la chair crue d’enfants.
« La majorité des parents croit que l’enfant doit être mis à l’abri de ce qui le trouble le plus : ses angoisses informes et sans nom, ses fantasmes chaotiques, colériques et même violents.
Beaucoup pensent que seule la réalité consciente et des images généreuses devraient être présentées aux enfants, pour qu’ils ne soient exposés qu’au côté ensoleillé des choses.
Mais ce régime à sens unique ne peut nourrir l’esprit qu’à sens unique, et la vie réelle n’est pas que soleil… »
Bruno Bettelheim > in Psychanalyse des contes de fées
Chrisophe Laparra > L’Ogrelet >
C’est le jour de la rentrée. L’Ogrelet est vêtu de neuf, il porte des culottes courtes et une chemise repassée. Il est grand et ses jambes nues sont celles d’un homme. Sa mère est en train de mettre cahiers et crayons dans un sac d’école.
MÈRE DE L’OGRELET > Redis-moi la date de ton anniversaire, mon petit ?
L’OGRELET > Le 3 décembre, maman.
MÈRE DE L’OGRELET > Dis-moi maintenant : quel âge tu as eu le 3 décembre dernier ?
L’OGRELET > Six ans, maman.
MÈRE DE L’OGRELET > Que fais-tu si la maîtresse te dit : « Tu es trop grand pour venir à l’école » ?
L’OGRELET > Je lui réponds : «Tous les enfants de six ans ont droit à l’école libre et gratuite.» Qu’est-ce que ça veut dire, maman, «libre et gratuite » ?
MÈRE DE L’OGRELET > Que tous les enfants de six ans, sans exception, doivent aller à l’école... Et que l’école doit les accepter. Que dis-tu après « libre et gratuite » ?
L’OGRELET > Si vous ne me croyez pas, écrivez un mot à maman, elle est à la maison. Nous n’avons pas le téléphone, mais elle...
MÈRE DE L’OGRELET > ... elle vous expliquera notre situation. Tu sauras le dire ?
L’OGRELET > Oui, maman.
MÈRE DE L’OGRELET (lui tendant son sac d’école) > Tu ne mets pas les doigts dans ton nez, tu écoutes la maîtresse, tu réponds « oui madame», «non madame» et tu regardes le tableau.
L’OGRELET > C’est quoi un tableau ?
MÈRE DE L’OGRELET > Tu le reconnaîtras en le voyant. Voilà ton goûter et ton déjeuner, mon Ogrelet. Demande à la maîtresse de manger seul dans la classe... les premiers jours. Dis-lui que ce serait mieux pour toi.
L’OGRELET > Tu me l’as déjà dit, maman. Je ne pourrai pas jouer au ballon comme les enfants du livre que tu me lis le soir pour m’endormir ?
MÈRE DE L’OGRELET > Attends de connaître les jeux et la fragilité des enfants pour jouer avec eux. Tu es tellement fort et tellement grand. Tu pourrais les blesser sans le vouloir.
L’OGRELET > À ce soir, maman.
MÈRE DE L’OGRELET> Ne t’attarde pas après la classe, ni dans le village, ni dans la forêt.
L’OGRELET > Pour aller, je marche droit devant et je regarde le soleil monter dans le ciel. Pour revenir, je marche encore droit devant mais je regarde le soleil se coucher derrière la montagne.
MÈRE DE L’OGRELET > Tu seras un bon élève, mon petit. Va vite maintenant si tu ne veux pas être en retard le jour de la rentrée.
L’Ogrelet et sa mère s’embrassent tendrement. Elle le regarde partir. L’Ogrelet revient sur ses pas.
L’OGRELET > J’oubliais les fleurs pour la maîtresse.
MÈRE DE L’OGRELET > Bonne journée, mon Ogrelet.
Le petit part seul sur la route, sa mère, sur le pas de la porte, agite la main.
Extrait scène 1 > L’Ogrelet de Suzanne Lebeau > Editions Théâtrales